Je ne saurais dire comment j’ai su que quelque chose ne tournait pas rond. Il y avait 2 ans que je n’avais eu ni partenaire ni relations sexuelles, et je n’avais rencontré aucun nouvel homme qui me donnait envie de retenter l’expérience. Pourtant, lorsque mon nouveau médecin me conseilla de faire toute une batterie de tests pour évaluer mon état de santé complet étant donné que mon suivi médical avait été plutôt lacunaire au cours des 10 dernières années, je m’entendis lui lancer : « Et vous me ferez passer tous les tests pour les MTS aussi? »
Six mois plus tard, avec pour seules preuves incriminantes mon résultat par deux fois positif à l’un de ces tests, la sentence tomba : j’étais condamnée à mort, mais sans avoir la moindre idée du moment où je serais envoyée à la potence… Diagnostic : sida…
L’idée de mourir un jour ne m’avait jusqu’alors jamais réellement effrayée; la pensée de souffrir sous quelque forme que ce soit, par contre, m’avait déjà à de nombreuses reprises gardée éveillée la nuit, et maintenant que l’approche de ma mort me semblait plus tangible que jamais, je ne savais à quelles pensées m’accrocher pour trouver réconfort.
Dans un premier temps, je cherchai à trouver réponse, la signification de tout cela, dans mes croyances religieuses. Naïvement, je m’étais toujours imaginé ma mort comme un processus « naturel » qui surviendrait une fois que j’aurais eu le sentiment d’avoir accompli ce pour quoi j’étais sur Terre. J’avais à maintes reprises visualisé ma mort comme la dégénération puis la désintégration graduelle de mon corps et de mon esprit, de l’enveloppe matérielle mise au service du « boîtier » de décryptage et de codification renfermant toutes mes facultés intellectuelles, tous les outils mis à la disposition de mon âme pour lui permettre d’agir, d’interagir, de faire sentir sa présence et de mener à bien sa « mission ». Mon âme me semblait quant à elle être ma conscience, l’essence inaltérable de tout être et qui prenait la forme d’un corps gazeux ayant la capacité de se rematérialiser ici sur Terre ou très certainement ailleurs, là, en fait, où l’énergie pouvait être trouvée en suffisamment grande quantité pour permettre une transformation d’aussi grande ampleur. Comme j’étais issue d’une famille chrétienne, bien que non-pratiquante, les notions de corps, d’âme et d’esprit précédemment mentionnées, mais aussi de passage vers l’au-delà, de résurrection, de paradis et d’enfer, et d’un jugement rendu en fonction de mes bonnes ou mauvaises actions, m’avaient toujours accompagnée. En vieillissant, j’avais peu à peu tenté de m’éloigner de ces croyances, voyant le manque de fondement scientifique qui les soutenait, j’avais essayé de nuancer, mais ce passage de la Bible, « […] quiconque vit et croit en moi ne mourra pas […] » était l’un de ceux qui m’avaient empêché de me défaire totalement de l’emprise de ma culture religieuse : je doutais de l’existence de toutes ces notions, mais en même temps, l’idée qu’il n’y avait rien ou totalement autre chose ne me rassurait guère. Ne sachant, hors de tout doute, s’il y avait un « après » ou non et ne connaissant pas la forme de ce « après » s’il s’avérait qu’il existait, je me confortais dans l’illusion qu’il était bien réel et qu’il s’agissait d’un monde semblable à la réalité dont je faisais l’expérience, mais en mieux, ou en pire, selon l’endroit où j’allais me retrouver le jour venu. Le paradis ou l’enfer, un lieu de tous les plaisirs où le temps allait passer à la vitesse de l’éclair ou un lieu de tous les maux où le temps allait s’étirer encore et encore pour l’éternité. Subconsciemment influencée par tous ces schèmes, je m’étais continuellement efforcée de suivre la parole de Dieu, ses 10 commandements, de faire le bien autour de moi… au cas où…. et peu importe ce que cela pouvait m’en coûter personnellement. Je croyais avoir été une femme « bien comme il faut » : à la fois responsable, sérieuse, autonome, joviale et généreuse. Évidemment, je n’avais pas été parfaite, totalement irréprochable, mais j’avais presque toujours agi en accord avec la morale, consciente du respect à témoigner à mes pairs et convaincue du bien-fondé des normes sociales auxquelles j’avais depuis toujours adhéré les yeux fermés. J’avais toujours cru qu’en adoptant une « bonne » conduite et en la maintenant avec acharnement, je m’assurais de demeurer dans les bonnes grâces de Dieu.
Quelle sotte j’avais été. Le compte à rebours me menant à ma mort étant désormais amorcé, j’avais le désagréable sentiment d’avoir été dupée, bernée, ARNAQUÉE toutes ces années durant, et d’être maintenant l’objet de risée de tout ce qui pouvait être plus grand que moi. Devais-je voir l’annonce de ma séropositivité comme l’expression de la volonté de Dieu de m’envoyer sur le bûché, prématurément, et de me faire expérimenter la mort à petit feu, histoire sans doute que j’en vive bien toute l’horreur et ce, malgré le fait que je n’avais en rien mérité tout cela de mon vivant? Devais-je donner raison à la pensée juive selon laquelle « Avec l’introduction du concept du péché, Adam a introduit la mort. Or, pour expier la faute, pour pouvoir trouver une certaine réparation, une certaine conversion, l’homme doit assumer une souffrance; il doit assumer ses épreuves. » et croire que j’étais de toute façon déjà condamnée au départ? Moi qui avais bien souvent douté du système entourant Dieu tel que promulgué par l’Église, j’en doutais désormais plus que jamais. J’avais vécu conformément à sa supposée volonté et voilà que j’allais mourir sans aucun sentiment de complétude et, à mon sens, de la pire manière qui soit. J’étais atteinte du sida, mon système immunitaire allait tranquillement s’affaiblir, j’allais devenir proie à multiples infections jusqu’à ce que, petit à petit, il ne me reste plus qu’à attendre la mort dans la souffrance. Un être foncièrement bon pouvait-il réellement pencher pour une telle atrocité? Je ne pouvais confirmer ou infirmer l’existence d’un Dieu, mais la révolte qui bouillait en moi levait le voile sur un fait indiscutable, j’avais vécu en fonction de la peur que m’inspirait l’enfer et de la menace que faisait peser sur moi les discours chrétiens (pour ne pas dire les inventions de l’Église) sur le jugement dernier et toutes ces autres chimères. Les yeux fermés, j’avais fait mien des concepts tels que l’âme, l’enfer et l’au-delà, concepts dont l’existence, à bien y penser, ne découlait en rien d’un raisonnement logique et qui, de toute façon, avaient été définis à partir de simples croyances sans avoir été soutenu plus objectivement par un quelconque processus de réflexion. Bref, le constat était des plus troublants : toute ma vie, j’avais cru vivre, alors que je n’avais fait que suivre un chemin balisé par une institution créée par l’Homme qui utilisait la dichotomie bien/mal pour prendre le contrôle et asseoir son pouvoir sur la population dans un climat de peur. Je m’étais tellement souciée de ce qu’il allait advenir de mon « âme », que j’en avais oublié non seulement la définition même de ce que j’étais en tant qu’être humain, un être pensant, mais surtout, la raison fondamentale pour laquelle nous naissons tous : VIVRE!
La tentative de trouver un sens à ma mort au moyen de mes convictions religieuses, tout comme d’avoir une idée claire de ce qu’il allait advenir de moi ensuite, s’était avérée vaine. Plutôt que des réponses, il ressortait de cette réflexion de nombreuses remises en question, une confusion totale. Épuisée, je n’avais d’autre choix que de prendre du recul par rapport à tout cela, il me fallait essayer de me reposer pour digérer la nouvelle avant d’entreprendre tout autre processus de compréhension, la colère brouillait mon raisonnement. La seule chose qui réussissait encore à me préserver du désespoir le plus complet me venait en fait de l’observation de la nature : un arbre, vivant, donne de l’ombre aux travailleurs, tandis qu’une fois mort, il permet la croissance de champignons. Sans avoir de réponses, cette simple observation du réel me laissait à tout le moins croire que ma vie, tout comme ma mort, allait avoir une utilité. Je n’avais peut-être pas besoin d’en savoir davantage après tout… peut-être, peut-être pas.
***
Pendant plusieurs mois, mes réflexions subséquentes ne me menèrent à rien, si ce n’est qu’à me tourmenter davantage. Prise dans un labyrinthe de pensées qui aboutissait inévitablement à la même impasse, ma mort prématurée, les différents itinéraires qu’il m’était possible d’emprunter pour me rendre à celle-ci me semblaient tous similaires, tous aussi douloureux les uns que les autres. Comment choisir un parcours ou un autre alors que je ne savais même pas de combien de temps je disposais? Devais-je en parler à mes proches, me taire? Devais-je faire tout ce que j’avais toujours voulu faire en sachant que cela risquait de m’éloigner des miens alors que j’en étais aux derniers moments de ma vie? Comment leur annoncer? Comment garder ce poids sur mes seules épaules? Ce tourbillon infernal de questionnements me tenait éveillée la nuit, me faisait zombie le jour. LA bonne chose à faire, je n’avais aucune idée de ce qu’elle était. Si l’enfer existait, c’était définitivement à ce moment-là que je le vivais.
Ironiquement, comme si la vie s’était fatiguée de ma paralysie mentale et résolue à décider pour moi, les premiers symptômes du sida commencèrent alors à se manifester. Là, je n’eus plus d’autre choix que de passer à l’action, bonne ou mauvaise décision, sans doute n’allais-je jamais le savoir, mais je me devais de prendre les mesures qui s’imposaient.
Évidemment, la réaction de mes proches fut terrible. Tous aussi inconsolables les uns que les autres – ma mère surtout – j’eus l’impression de porter sur mon dos, en plus du poids de ma mort anticipée, la responsabilité des souffrances que je faisais vivre aux gens que j’aimais en la leur annonçant. Qui plus est, je leur dis avoir l’intention, après avoir réglé tout ce qu’il pouvait y avoir à régler avant de mourir, d’utiliser le peu de temps qu’il me restait pour voyager… Comble du malheur, je devins alors, autant pour ma famille que mes amis, la vanité à l’état pur, l’égoïsme dans sa plus simple expression. Comment pouvais-je penser leur faire subir une chose pareille? Sur le coup, je ne compris pas, n’était-ce pas de MA vie, de MA mort dont il était question?
Puis, suite à cela, ce fut lors du « magasinage de mes funérailles » avec ma mère que je sentis poindre en mon esprit l’aube d’une compréhension. Si la religion n’avait personnellement rien pu m’offrir comme réponse ou consolation, je me rendis compte qu’elle pouvait néanmoins, à certains niveaux, apporter paix et réconfort à mon entourage. Étrangement, comme s’ils ne pouvaient plus rien pour moi de mon vivant, mes amis proches et les membres de ma famille se mirent à prendre ma mort en charge, à se l’approprier partiellement par leur participation et leur contribution singulière aux rituels qui allaient l’entourer. « J’allais avoir une belle mort, je devais avoir une belle mort » devint leur mot d’ordre. Chacun à leur manière, en fonction de leurs différentes croyances religieuses, ils canalisaient l’ampleur de leur impuissance en énergie créatrice pour faire de ma mort l’évènement du siècle. Aussi loufoque que cela pouvait paraître, c’est ce qui semblait leur permettre de ne pas sombrer, ce qui leur donnait une raison de continuer : réussir ma mort. Comme si la seule manière pour eux d’accepter ma mort était qu’ils aient à tout le moins pu faire quelque chose pour qu’elle ait lieu dans les règles de l’art, dans les meilleures conditions possibles. La religion me donnait l’impression de leur donner le cadre nécessaire, la marche à suivre, pour qu’ils aient le sentiment d’un « au revoir » à la hauteur, proportionnel à leur chagrin.
Anna, ma meilleure amie, était une « grano » typique. Elle qui se disait athée, elle avait pourtant une foi inébranlable en la nature. Elle puisait sans même s’en rendre compte dans les croyances païennes ancestrales et se faisait un devoir, comme pour me rassurer, de me répéter sans cesse : « Tout ce qui naît doit vivre Tout ce qui vit doit mourir Tout ce qui meurt reprendra forme Nous venons de la terre Nous retournerons à la terre Nous renaîtrons de la terre ». Évidemment, elle tenait mordicus à l’idée de m’enterrer ou d’éparpiller mes cendres dans un lieu symbolique. Mathieu, mon frère, se confortait quant à lui dans l’idée que c’était ma philosophie de vie et les souvenirs qu’il avait de moi y étant rattachés qui allaient subsister , je continuerais de l’accompagner dans son cœur. Conséquemment, il s’entêtait à essayer d’écrire quelques-uns de mes « meilleurs moments » pour que tout le monde les garde bien en mémoire. Adam, un bon ami et collègue de travail à moi, avait pour sa part l’intime conviction que je menais à bien ma Mission, que j’endurais dignement les souffrances que la vie me faisait subir, me rapprochait de moi-même par mon cheminement, et qu’il doutait fort que je sois dans l’obligation de revenir ici-bas, j’étais prête pour « l’autre monde » . Malak, autre collègue et amie, adoptait un peu le même discours : je ne devais pas m’inquiéter, la mort était un retour à Dieu, une ligne de séparation entre deux vies, celle que nous vivions et l’autre qui était éternelle . Leya, ma douce amie d’origine hindoue mais depuis longtemps convertie au bouddhisme, avait d’après elle déjà fait tout ce qu’elle pouvait pour moi en s’évertuant, toutes ces dernières années durant, à m’aider à modeler ma psyché, à purifier mon karma de toutes pensées négatives à coup de multiples séances de yoga et d’autres méditations. Elle était certaine que j’avais suffisamment appris de mes stupidités pour me réincarner dans de meilleures conditions. Finalement, ma mère, ma tendre mère, faisait des pieds et des mains au salon funéraire pour s’assurer que, à mon enterrement, les prières récitées seraient celles qui m’assureraient le trajet jusqu’au paradis le plus paisible qui soit. Évidemment, pour une mère catholique, il était inconcevable que sa fille unique puisse avoir le malheur de se retrouver ailleurs, mais par précaution, elle me suppliait tout de même, pour le peu de temps qu’il me restait, de prier tous les jours…pour le salut de mon âme disait-elle… pauvre maman.
Au cours de ma courte vie, j’avais au moins eu la chance d’être entourée de toutes ces personnes, des êtres aux valeurs et aux cultures pourtant parfois bien différentes. Paradoxalement, ce fut les similitudes dans leurs propos qui m’aidèrent à mettre en relief les quelques réponses qu’avaient à proposer les religions. Pour tous, indépendamment de leurs croyances, j’étais plus qu’un simple corps. Quoi? En fonction de ce qui leur avait été inculqué, ils avaient tous leur manière bien à eux de le définir. Néanmoins, ils tenaient tous le même discours sur un point : la vie n’était qu’une étape, la mort, un passage à autre chose, à un autre état, et c’était leur croyance que ce « quelque chose » allait subsister qui leur permettait de donner à la mort une raison d’être, un sens.
Pour ma part, ma rébellion contre l’Église avait été telle que toute réconciliation demeurait impossible. Par contre, je ne pouvais cacher le bonheur que me procurait le fait de voir les personnes que j’aimais arriver à panser leurs blessures, à adoucir leur tristesse au travers de quelque religion ou rituel funéraire que ce soit, même si je n’y adhérais pas.
Allais-je moi aussi réussir à goûter à une certaine quiétude avant que ma vie ne me soit arrachée? Où m’était-il possible de trouver réponse là où la religion avait pour moi échoué? Même si mes questionnements se voulaient encore nombreux, mon fardeau me semblait tout de même plus léger : la religion veillait en quelque sorte au bien-être de mes proches et, au point où j’en étais, c’était déjà ça de gagné… Pour le reste, j’allais devoir continuer à chercher.
***
Trois mois, il me fallut trois mois pour « organiser » ma mort… ou devrais-je dire, pour faire le tri dans ce qu’avait été ma vie. Évidemment, comme j’avais le bien-être de mes proches un peu trop à cœur, une grande partie de mon temps fut consacrée à la conciliation de leurs différents désirs sur la forme qu’allaient avoir autant mes funérailles que mon enterrement. Quoi qu’il en soit, à mon plus grand étonnement, ce ne fut pas cette période qui me causa les plus douloureux maux de tête, mais bel et bien lorsque je me retrouvai par la suite seule chez moi et que je commençai à faire l’inventaire de tous les avoirs, de tous les souvenirs, dont je devais dès lors commencer à me départir… dont je devais me « détacher ».
À ce moment seulement, je me rendis compte de toute la charge émotive dont pouvait être empreint certains objets : différentes babioles sans valeur qui étaient pourtant reliées à de bien tendres anecdotes, toutes les photos affichées qui avaient chacune leur histoire bien à elles, tous les livres que j’avais lu qui m’étaient si chers et qui avaient en quelque sorte contribué à la femme que j’étais devenue. D’un coup, la réalité de tout ce qui allait être perdu me happa : ce n’était pas que les autres que j’allais perdre, j’allais également perdre tout ce que j’étais, qui j’étais, j’allais me perdre MOI… Renversée, totalement dépassée, cette prise de conscience me plongea dans une véritable léthargie, une dépression de laquelle aucun de mes proches, aucun spécialiste, n’arrivait à me sortir… moi, moi, moi, que resterait-il de moi? Je ne serais plus? Je ne savais plus… Je regardais les jours filer, je refusais la nourriture. Plus mes proches s’inquiétaient, plus je me repliais sur moi-même, incapable de leur expliquer l’objet de ma terreur. Je feuilletais inlassablement mes livres, ils avaient été ma plus grande passion, mais je n’arrivais même plus à en décrypter le contenu…qu’allais-je devenir le jour où je ne serais plus, où les lumières allaient s’éteindre? RIEN?
À mesure que les jours passaient, à mesure que je m’enfonçais dans un marasme de confusion, de déception et de détresse, un phénomène étrange s’amplifiait… je divaguais… je voyais ce qui n’était pas, j’entendais ce qui n’était que silence, mais ce qu’il y avait de plus étrange, c’était qu’en de brefs instants, je le SAVAIS… j’avais par moment conscience de cette trahison de mes sens, du jeu que mon corps se jouait alors. Foudroyée, électrisée, ramenée à la vie par ce mince filet de lucidité, de savoir, je refis surface : cette expérience se voulait pour moi une mince lueur d’espoir, peut-être n’allais-je pas ME perdre après tout… Je recommençai aussitôt à manger puis, dès que j’en eus la force et la disposition d’esprit, je me plongeai dans mes bouquins plus que jamais. Je savais que la réponse se trouvait là, je savais que le soubresaut de compréhension que j’avais eu était fondé sur quelque chose que j’avais déjà lu quelque part, sur des écrits qui m’avaient été transmis : MES COURS! Moi qui n’avais jamais, mais au grand jamais, été une « fana » de philosophie, je me surpris à remercier l’univers tout entier lorsque je réussis à déterrer le recueil de textes qu’un de mes profs nous avait un jour fait acheter, à mes camarades de classe et moi, et ce, malgré nos plus grandes récriminations. En quoi est-ce que la philosophie allait bien pouvoir nous intéresser, nous être utile? À l’époque, je n’avais rien compris…
Dix ans plus tard, pourtant, la lecture des anciens, des grands philosophes, éveillait mon intellect, approfondissait ma connaissance du monde. La première citation qui me frappa alors fut « Il est plus facile de croire que de comprendre » , de Sénèque. Jusqu’à l’annonce de ma séropositivité, j’avais toujours cru en la « justice de Dieu », sans jamais pourtant ne m’être posé de questions sur la raison de cette croyance ou avoir à tout le moins tenté de comprendre la manière dont s’appliquait cette justice au commun des mortels. Une fois cette phrase sous les yeux, j’eus la confirmation que mon raisonnement avait été des plus lacunaires, comment avais-je pu croire en de telles sottises sans plus de réflexion? Ensuite, l’expression philosophique « Rien ne vient de rien » se fraya aussi un chemin dans mon esprit : d’après tout ce que je connaissais du règne végétal, animal et du monde en général, rien « n’apparaissait » comme par magie, la chenille se transformait de larve à papillon, une graine devenait fleur, l’eau se condensait dans les nuages puis retournait éventuellement à la mer, tout se transformait, mais rien ne semblait pouvoir « naître » du néant, ou du moins, à ce que j’avais pu observer tout au long de mon existence, les probabilités penchaient lourdement en faveur de la transformation plutôt que de la création. Logiquement, si je transposais le tout à ma propre personne, n’allais-je donc pas moi aussi suivre un peu le même processus? Je considérais raisonnable de penser que oui.
Peu à peu, au fil de mes relectures sur Descartes, Kant puis Schopenhauer (que j’avais tous pourtant l’impression de découvrir pour la première fois), je commençai à saisir le sens et la portée de leurs écrits, ce qui jusqu’alors n’avait été pour moi que pur charabia, devint hypothèses plausibles, une suite d’explications logiques. Je compris à ce moment que si la philosophie pouvait m’amener un réconfort quelconque, ce serait de me munir d’un raisonnement logique, d’un regard critique relativement à mes croyances passées, à ce que je pouvais « être » et à ce qu’il allait advenir de ce « moi » une fois que je serais déclarée morte.
Armée de l’expérience de mes divagations passées, je ne pus que me rallier au raisonnement de Descartes selon lequel l’être humain pouvait douter de tout, sauf du fait qu’il doutait et donc, que s’il pouvait douter et conséquemment, se persuader lui-même, c’était indéniablement parce qu’il existait. Perspective différente : le néant pouvait-il être convaincu de quoi que ce soit? Plutôt inconcevable, raison pour laquelle l’être humain « était », inévitablement. De même, Descartes, qui voyait son corps et ses sens comme des limites étant donné qu’ils faisaient quelque peu obstacle entre sa personne et la réalité qu’il expérimentait, arrivait à la conclusion que tout ce dont nous étions certains, c’était d’être « une chose qui pense » . Nous ne pouvions nous fier sur rien, sauf sur le sentiment que nous avions de notre propre existence, notre perception d’« être ». De là, j’entamai ce que je me plus à appeler un « processus de dédramatisation de ma mort » : si rien ne venait de rien et qu’en plus, j’avais des raisons valables de penser que mon état de « chose pensante » était immuable, je pouvais supposer que peu importe les transformations dont je serais éventuellement l’objet de par ma mort physique et mentale, ma qualité de « chose qui pense », elle, survivrait, sous une forme indéterminée.
Ensuite, les raisonnements de Kant et surtout de Schopenhauer m’aidèrent pour leur part à revoir ma conception du monde, de ce qu’il contenait et, conséquemment, ma vision de Dieu et de toutes les composantes qui l’entouraient tels que l’Église me les avaient présentés.
D’abord, ma vision du fonctionnement de mon appareil corporel se modifia et alla soutenir les bases instaurées en mon esprit à la suite de la lecture de Descartes. Je réalisai que tout ce que j’avais considéré comme réel n’était pas seulement douteux, mais inévitablement biaisé étant donné que mon corps jouait toujours le rôle d’un double filtre dans mon contact avec la Réalité. Toute expérience avec la Réalité, toute afférence, passait d’abord par un premier filtre, mes sens, ce qui faisait que la Réalité était alors perçue, et cette réalité perçue passait ensuite par mon cerveau et devenait une réalité à la fois perçue et interprétée : ma réalité. Ces deux processus, deux filtres, faisaient donc obstacle à ma connaissance de la Réalité, faussait mon expérience de la Réalité de sorte que je ne pouvais avoir la possibilité de connaître davantage que ce qu’était ma réalité personnelle. Ce monde que j’expérimentais était, chez Kant, le monde phénoménal, ma réalité, tandis que le monde auquel je n’avais pas accès de par mes limitations corporelles était le monde nouménal, la Réalité (qui, en faisant un semblant de parallèle avec le langage religieux, pouvait se rapprocher de l’au-delà). Une fois cette distinction bien intégrée, ce fut les implications de cette théorie et le grain de sel de Schopenhauer par rapport à celle-ci qui s’avérèrent les plus utiles pour moi.
Chez Kant, le monde phénoménal se caractérisait par « des objets matériels existant dans un cadre spatio-temporel, se déplaçant de façon causalement corrélée » . Or, d’après le raisonnement de Schopenhauer, le nouménal ne pouvait pas se composer de choses (au pluriel) telles qu’elles étaient en soi. Pour qu’existent des choses différentes, la différenciation devait être possible, et elle ne l’était que dans un monde où existaient l’espace et le temps. Si un objet devait être différent d’un autre, ils devaient être distincts à la fois dans l’espace et dans le temps, sinon il s’agissait du même objet. Corollairement, Schopenhauer arrivait aussi à la conclusion qu’il n’était pas possible que le nouménal soit la cause de phénomènes, car comme l’espace et le temps, la connexion causale ne pouvait exister que dans le monde phénoménal et donc, la causalité ne pouvait pas être ce qui reliait ce monde à ce qui était extérieur à lui . Cette démonstration m’apparaissant, après mûres réflexions, des plus logiques, raison pour laquelle il me fut ensuite facile de comprendre la profondeur des failles que contenait le discours religieux et pourquoi j’avais eu le sentiment d’avoir été trompée par celui-ci lorsque j’appris que je mourrais à petit feu : comment l’image que l’Église m’avait transmise de l’au-delà et de ses composantes (paradis, purgatoire, enfer, etc.), qui semblaient avoir toutes les caractéristiques du monde phénoménal plutôt que du monde nouménal, pouvait-elle avoir été représentative de la Réalité? Si l’au-delà se voulait vraiment quelque chose d’immatériel, de métaphysique, transcendant temps et espace, comment pouvait-il avoir une forme semblable à ce que j’avais expérimenté ici, sur Terre? En quoi Dieu, symbole même de la transcendance et du monde nouménal, pouvait-il alors être la cause de ce que contenait le monde phénoménal, en l’occurrence, moi, ou avoir une incidence sur celui-ci, m’influencer?
Si ma répugnance envers l’Église avait jusqu’alors été surtout émotionnelle et reliée à un sentiment d’injustice, la philosophie avait pour sa part réussi à me convaincre rationnellement de l’invalidité du système religieux. Qui plus est, je retenais du travail de ces grands philosophes, que j’avais auparavant méprisé de par mon incompréhension de leurs écrits, quelque chose de bien plus précieux encore : je considérais désormais improbable que la mort me réduise à néant, je la concevais alors davantage comme une transformation, le passage à un autre état, comme une goutte d’eau qui retourne à l’océan. Une partie de moi, ce soi transcendantal alors synonyme de pensée, de conscience, je ne pouvais pas plus en douter que je ne pouvais l’arrêter de « fonctionner », nous ne faisions qu’un, sans limitations, sans contrôle, et il me semblait donc fort probable qu’il puisse « survivre » à la désintégration de mon corps et de mes facultés mentales.
Si un jour il m’avait été dit qu’à l’aube de ma mort je me serais tournée vers la philosophie pour trouver réponse à mes questions, un semblant de sens à ma « disparition », je n’y aurais pas cru, et pourtant, c’était bien ce qui c’était produit. Même si je ne savais pas comment ma mort allait se dérouler, ni quels allaient être les paramètres et la profondeur du changement qui allait alors s’opérer, je préférais de loin avoir quelques réponses partielles de ce qui, plausiblement, risquait de se produire, que d’entretenir par simple peur de l’inconnu de fausses idées déjà « mastiquées » pour moi.
Évidemment, tout n’était pas réglé. J’appréhendais le moment où mon corps allait commencer à me faire défaut, je redoutais la souffrance qui risquait de précéder la fin de ma vie physique, je craignais les conditions qui allaient précéder ma mort. Mais m’était-il vraiment possible de m’y préparer? Avais-je envie de perdre le peu de temps qu’il me restait à réfléchir sur le sujet? Je ne savais trop que répondre à cette question… Maintenant que tous les aspects « techniques » de ma mort étaient réglés, c’était à la manière dont je souhaitais vivre jusqu’à ce que je sois amenée à l’abattoir qu’il me fallait réfléchir…
***
Voyager, visiter les plus beaux pays du monde, je n’en eus finalement jamais la chance. En un an, les événements se succédèrent, les problèmes s’intensifièrent, les symptômes commencèrent à s’accumuler : mon corps se livrait à un combat acharné contre lui-même, les tambours annonçant « sida » ayant cédé place aux soldats de la même compagnie qui, s’étant donné pour mission de m’anéantir de l’intérieur, réussissaient petit à petit à m’assiéger. Chaque jour, je pouvais sentir leur prise de pouvoir, je m’affaiblissais, totalement impuissante à ce qui était en train de m’arriver.
Moi qui avais toujours eu foi en la médecine, devant son incapacité à m’éviter de multiples infections successives, je réalisais que cette fois, elle ne pouvait que bien peu pour moi. Je faisais désormais partie de ceux qui expérimentaient les limites de la science, de ceux pour qui les traitements offerts ne visaient plus qu’à ralentir le processus, à contenir les dégâts et à tenter d’atténuer la souffrance chemin faisant, mais à quel prix?
Ma mort, je la vivais désormais au quotidien, prise au piège dans un corps détérioré qui avait de plus en plus de mal à suivre. Ma conscience ne trouvait bien souvent plus exécuteur en sa propre personne, la fatigue, la douleur, l’emportant sur toute autre action désirée. Les médecins avaient beau essayer, la médication était soit insuffisante, soit si assommante que je n’avais plus aucun contact avec mon environnement. À quoi bon continuer de vivre? Était-ce vraiment vivre? Non, à certains moments, j’avais vraiment l’impression d’être déjà morte. Lorsque, exténuée de par le mal qui me rongeait de l’intérieur, je m’endormais alors même que mes proches me rendaient visite, que je perdais ces précieux moments avec eux, j’étais morte. Lorsque, par faiblesse, je renversais ceci ou cela et qu’il me fallait alors un après-midi entier pour me changer moi et ramasser mon dégât, tellement ralentie que j’étais par la maladie, j’étais morte. Lorsque j’essayais de lire, pour me changer les idées, pour me « faire du bien », mais que j’étais incapable de retenir quoi que ce soit et qu’il me fallait relire et relire encore le même paragraphe, je stagnais, mes facultés mentales m’abandonnant, il n’y avait plus aucune possibilité d’avancer, J’ÉTAIS MORTE! Lorsque mon corps, à bout de force, refusait de se lever pour se rendre à la salle de bain et que, honteusement, je me sentais uriner sur ma propre personne, comble de la déchéance : J’ÉTAIS MORTE!! Je perdais peu à peu tout contrôle sur mon existence, toute dignité! L’état végétatif, la mort cérébrale, la mort clinique, la mort des organes : FOUTAISE! Rien de tout cela n’était nécessaire pour se considérer mort, le simple fait d’être à ce point diminué dans sa capacité d’être avait « mort » pour synonyme.
J’avais toujours été d’avis qu’à chaque fois que l’être humain vivait la souffrance, une fois que celle-ci s’apaisait, il s’ensuivait un certain renouvellement d’appréciation de la vie et de ses composantes. Je pensais que la souffrance avait pour rôle de nous faire réfléchir sur nous-mêmes et qu’elle était même parfois l’indicatrice que quelque chose ne tournait pas rond dans notre vie, comme si notre conscience nous faisait comprendre par des manifestations physiques les messages émotionnels que nous refusions parfois de voir. La souffrance m’invitait, d’une certaine façon, au respect de mon corps, de ce que je ressentais, vivais, de mes limites, au respect de mon « humanité ». La souffrance m’invitait aussi à l’entraide, au soutien et à la compassion. La souffrance passagère avait auparavant été porteuse de tous ces messages pour moi, en plus du rappel qu’il me fallait profiter de la vie, de mes capacités pendant que je les avais. Mais que se passait-il quand la souffrance devenait permanente, irréversible? Pour moi, elle ne revêtait dorénavant plus le même sens, elle se « digérait » mal, apprendre à aimer la vie au travers de cette souffrance constante m’était insupportable. Je n’arrivais plus à penser, la douleur était trop forte, je n’arrivais plus à « profiter » de mes proches, de la vie, je n’en pouvais plus…
Après plusieurs infections opportunistes qui, à mon plus grand désespoir, avaient toutes pu être traité moyennant chaque fois pour « juste prix à payer » une diminution de ma qualité de vie et de mes facultés, les médecins me diagnostiquèrent finalement un lymphome non hodgkinien agressif, un cancer qui prenait naissance dans les cellules du système lymphatique et réduisait alors la capacité de mon organisme à se défendre contre les infections et les maladies . Ce cancer, il se présenta à moi comme LA solution, le moyen qu’il me fallait pour mettre fin à mes souffrances pour de bon. Cette fois, le traitement serait plus difficile. Cette fois, j’avais une raison « valable » de refuser TOUT traitement; il était temps, temps que je mette fin à tout ce cirque. Évidemment, autant mes proches que les professionnels de la santé tentèrent de m’en dissuader : « Vous savez madame, malgré l’agressivité de votre cancer, nous pouvons essayer de le traiter et, une fois en rémission, qui sait le nombre d’années dont vous disposeriez encore, nous n’aurions ensuite qu’à poursuivre vos traitements pour ralentir la progression du sida. Ce n’est pas raisonnable, pourquoi vous refusez-vous le droit de vivre? » « Ma chérie, il faut te battre, tu n’en as pas fini ici, je comprends que c’est difficile pour toi, mais es-tu vraiment prête à nous abandonner? Tu ne peux pas nous laisser tomber, nous avons encore besoin de toi. » Absence totale de la prise en compte de la souffrance que j’allais devoir supporter durant les traitements contre le cancer et aussi, après, de par les seuls symptômes du sida qui eux, si je survivais, n’allaient pas disparaître! Absence de la réflexion qu’il n’était pas plus raisonnable de me refuser le droit de mourir qu’il m’était raisonnable de me refuser le droit de vivre. Absence d’acceptation de la réalité telle qu’elle était : que pouvais-je bien avoir à finir alors que mes symptômes étaient tels que je n’arrivais plus à aller où que ce soit, à faire quoi que ce soit, sans avoir à demander assistance? En quoi était-ce eux qui avaient encore besoin de moi alors que c’est à moi qu’ils prêtaient continuellement main-forte? Non-sens! Eux qui n’avaient aucune idée de ce que je pouvais expérimenter de l’intérieur, qui étaient-ils pour s’immiscer dans mes choix de vie? À chacun sa vie!
Plus mon entourage et le système de santé s’acharnaient, plus je persistais. Il m’avait fallu longtemps pour voir la réalité en face, pour faire la paix avec cette injustice, pour accepter mon impuissance. Non, la situation n’allait pas aller en s’améliorant, non, je n’étais pas en mesure de faire quoi que ce soit pour modifier ma condition, non, je n’aurais plus la chance de réaliser les rêves que j’avais toujours mis en suspens. Oui, j’aurais pu continuer à m’apitoyer sur mon sort, pauvre de moi qui allais mourir avant même d’avoir atteint 40 ans, mais à quoi bon? Oui, j’aurais voulu voyager, j’aurais voulu écrire, avoir des enfants, réaliser encore mille et un projets. Oui, j’aurais voulu avoir le temps de faire une différence dans le monde ne serait-ce qu’au niveau de ma communauté, et oui, j’aurais souhaité pouvoir continuer d’être là pour mes proches, les soutenir, plutôt que de me retrouver à laisser un vide dans leur vie. Malheureusement, il en était autrement et le seul choix qui s’offrait désormais à moi était de continuer de me débattre dans des aléas de souffrance m’empêchant d’être MOI ou bien de laisser la « vie » suivre son cours et de mourir avant d’avoir eu à languir dans la désolation de ce que je n’étais plus. J’avais fait mon choix, c’était MA vie, MA mort.
Après quelques semaines d’attente seulement, je fus admise aux soins palliatifs de mon centre hospitalier, j’avais eu la « chance » que la Faucheuse soit passée dans quatre chambres de la section en moins d’une semaine, comme de quoi la mort des uns pouvait faire le bonheur des autres, leur laisser « place » . Ma famille, qui avait encore de la difficulté à « avaler » que j’aie décidée de laisser le cancer progresser sans aucun traitement, mit tout de même sa rancune de côté pour que nous passions ensemble nos derniers moments. Étonnamment, les soins palliatifs prirent en charge mon propre bien-être, mais veillèrent aussi sur celui de mes proches. Une psychologue et un thanatologue venaient nous rendre visite régulièrement, répondaient à nos questions, nous offraient un soutien émotionnel et nous donnaient des outils pour mieux vivre avec la situation. Les médecins se montraient compréhensifs et délicats, les infirmières avaient toujours une parole de réconfort, de véritables cœurs sur deux pattes. Je vis mes parents, mon frère, mes amis, passer par toute la gamme des émotions à mesure qu’ils progressaient dans leur deuil, qu’ils me sentaient « partir », et ils me virent pour leur part gagner en paix et en sérénité à mesure que je me sentais m’éloigner d’eux, de moi, jusqu’à, jusqu’à…
… j’entends le tic-tac de l’horloge, j’ai le souffle court, je sens que mon corps ne tient plus qu’à un fil. À ma demande, ma mère a réuni les êtres qui me sont les plus chers, ceux que je tenais à revoir une dernière fois. Maintenant tous autour de moi, je les regarde un à un, mais la force me manque pour leur parler. Je souris, ils me sourient tous en retour, d’un sourire un peu forcé soit, mais quand même. Avec cette dernière impression sur ma rétine, je ferme les yeux, leurs visages défilent, éclairés par une étrange lumière…
La suite… c’est à moi seule qu’elle appartient.
Ma réalité, ma vie, ma mort…